Influence du Coca-Cola sur l’absorption de l’erlotinib chez les patients avec un cancer bronchique non à petites cellules

[vc_row][vc_column][vc_column_text]Question évaluée : On sait que l’absorption digestive d’erlotinib est largement médiée par le pH gastrique et qu’une élévation du pH diminue la forme ionisée de cette base faible et donc sa biodisponibilité. Des études antérieures ont montré que l’association d’erlotinib et d’un inhibiteur de la pompe à proton (IPP) entrainait une diminution de la Cmax d’erlotinib de 61% et de l’AUC de 46%. L’interaction médicamenteuse est considérée en l’occurrence comme cliniquement pertinente. Partant du postulat que les sodas comme le Cola provoquent des acidités gastriques transitoires, une équipe néerlandaise a évalué l’impact de la prise d’erlotinib avec du Coca-Cola® chez les patients prenants en parallèle un IPP.

Type d’étude : Essai clinique de pharmacocinétique (PK) contrôlé, randomisé, en cross-over.

Méthode : Inclusion de patients atteints d’un cancer bronchique non-à petites cellules et traités par erlotinib. Constitution de deux groupes de patients : le premier était traité par erlotinib, le second par erlotinib et esomeprazole 40 mg.

La durée du suivi était de un mois comme suit :

  • durant les 15 premiers jours, erlotinib seul pour s’assurer de l’état d’équilibre,
  • répartition des patients en deux groupes, erlotinib et erlotinib+IPP
  • pour chaque groupe, randomisation sur la séquence :
  • durant les 7 jours suivants, la moitié des patients de chaque groupe prenait l’erlotinib avec 250 mL d’eau et l’autre moitié avec 250 mL de Coca-cola®,
  • Durant les 7 jours suivants, le véhicule d’administration était inversé (cross over),
  • Les prélèvements PK pour dosage plasmatique de l’erlotinib étaient effectués à J21 et J28 de l’étude, sur 24 heures.

L’objectif primaire était la différence relative entre l’AUCCola et l’AUCeau de l’erlotinib pour un même patient.

Résultats : Les deux groupes étaient composés de 14 patients. Dans le groupe erlotinib+IPP :

  • l’AUC0-12h (Cola) était supérieure de 39% (-12% à +136% ; p<0,004) par rapport à l’AUC0-12h (eau),
  • la Cmax était également significativement supérieure dans le groupe cola (+42% ; -4% à +199% ; p<0,019).

Dans le groupe erlotinib seul, l’influence du Coca-Cola® apparaissait beaucoup plus restreinte avec uniquement une légère augmentation de l’AUC de +9% (p<0,03) et la Cmax de l’erlotinib n’était pas statistiquement différente. La Tmax n’était pas modifiée dans les deux groupes entre Coca-Cola et eau.

Points forts : Cette étude très originale et bien construite méthodologiquement propose une solution à la gestion des interactions médicamenteuses entre certains inhibiteurs de tyrosine kinase et les IPP, particulièrement illustrée dans la littérature avec l’erlotinib. Les auteurs montrent également l’absence de risque de surdosage du « véhicule » Coca-Cola si le patient ne consomme pas d’IPP.

Points faibles : Malgré des résultats concluants, on note une variabilité PK interindividuelle importante qui mérite que d’autres études soient conduites sur le long terme. De même, les auteurs n’ont pas pu mesurer le pH gastrique des patients pour étayer leurs données. L’augmentation des AUC d’erlotinib induite par le Coca-Cola même si elle est significative ne semble pas permettre de retrouver un niveau d’exposition comparable à celui de l’erlotinib sans IPP.

Conclusion/Implications en pratique : Cette étude de PK trouve une application directe en pratique quotidienne et, dans les limites de l’étude, nous pourrions d’ores et déjà conseiller à nos patients la prise d’erlotinib avec du Cola dans la mesure où la prescription d’un IPP serait maintenue et justifiée. Il convient néanmoins de rester prudent sur la pertinence clinique de cet effet et ces patients sous IPP nécessitent un suivi strict (avec réalisation de dosages plasmatiques de l’erlotinib lorsque cela est possible). Des études de PK impliquant d’autres inhibiteurs de tyrosine kinase avec des pKa faible et d’autres types de sodas acides devront être menées afin d’apporter des solutions à la gestion de ces interactions en pratique clinique.

Rédigé par Florian Slimano

D’après Van Leeuwen et al.: Influence of the Acidic Beverage Cola on the Absorption of Erlonitib in Patients With Non-Small-Cell Lung Cancer. J Clin Oncol 2016; 34(12): 1309-14.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]